Fraude à tous les étages

15 juin 2022

La question n’est pas de savoir si une ou des fraudes électorales se sont produites lors des scrutins des élections présidentielles, nous n’en savons rien. Le problème réside dans le fait que cette élection dans son intégralité, et en grande partie la suivante jusqu’ici, législative, fut une gigantesque fraude.

Pour commencer, le président sortant a retardé au maximum sa déclaration de candidature. Ce n’est pas inhabituel me direz-vous, mais cela tranche tellement avec l’omni-parlance habituelle d’Emmanuel Macron que cela dénotait une tactique comme un malaise. Une tactique à l’intention des médias qui pouvaient ainsi pérorer dans le vide sur le ton de « quand va-t-il se déclarer ? » au détriment des autres candidats. Un malaise car l’impopularité du président lui laissait peu de marge à la baisse pour s’en tirer.

Ensuite, le même sortant a refusé d’affronter son bilan, que ce soit face aux autres candidats ou à des journalistes – pourtant peu enclin à lui adresser la moindre critique. On en revient d’une part à son impopularité, à laquelle s’ajoute d’autre part une bonne dose de lâcheté de l’homme qui refuse d’assumer ses paroles et ses actes. Il se mettait alors en position de devenir illégitime : pas de débat, pas de mandat.

De plus, le quinquennat Hollande/Ayrault/Valls/Cazeneuve (/Macron) ayant pris soin de modifier la loi régissant les temps de parole, les chiens de garde du système en place ont, eux, pris soin d’en écarter autant que possible les candidats gênants, présentant ou écartant tel ou tel aux moments opportuns selon la stratégie favorable à ceux que chaque média privilégiait – favoritisme qui ne concerna jamais la gauche. Les statistiques parlent d’elles-mêmes, avec une mention spéciale pour le service public que je vous recommande de scruter en détail : voir les graphiques publiés ici.

Les médias ont également contribué à orienter l’issue du scrutin en faisant office de bateleurs sur les thèmes les moins dérangeants pour le pouvoir en place et/ou les moins réels, immigration et insécurité en particulier ; ou sur une actualité sans prise directe sur la campagne, à savoir la guerre en Ukraine. La comparaison des programmes ou leur absence a ainsi été reléguée à la portion congrue. Ils avaient beau dire que la campagne ne décollait pas, ceci était fait à dessein.

Une fois la gauche, avec Jean-Luc Mélenchon, écartée de justesse au premier tour, leur traitement médiatique défavorable ayant pu à lui seul justifier l’écart minime qui les séparait de la seconde place, leur foudre s’est abattue sur Marine Le Pen dont les godimédias[1] n’avaient jusque-là pas semblé percevoir la dangerosité… et l’impopulaire Macron, extirpé du premier tour par la seule grâce du siphonnage organisé en interne (Sarkozy ?) du vote Pécresse, fut réélu sans combat ni mérite : LaRem, sart-up nation des bourgeois et retraités.

Le plus dur semblait fait, on pouvait se détendre, pensa-t-on, du côté de l’Elysée, se décontracter de la démocratie. Mais Jean-Luc Mélenchon revenait à la charge en proposant à ses électeurs de le faire nommer (« l’élire ») premier ministre. Coup de maître. Agitation. Panique au palais.

Macron se tut à nouveau. Il n’arrivait pas à trouver de Premier Ministre, sans parler de composer un nouveau gouvernement. Cela lui prit 7 semaines. Comme quoi la France pouvait se passer de ses pantins.

Puis, rebelote, les godimédias furent appelés à la rescousse. Le mot d’ordre fut à l’invisibilisation non seulement des adversaires de la macronie et de la droite toute entière, mais aussi du scrutin lui-même. On reparla, beaucoup, du burkini. La guerre en Ukraine revint. Le Covid ? Non pas encore… Mais d’élections législatives, point. De la NUPES le moins possible. Des programmes ou de leur absence, encore moins. De la tentative déloyale du ministre de l’intérieur de ne pas reconnaître le groupement NUPES lors des futurs résultats un petit peu, comme une manœuvre dilatoire.

Côté politique, la macronie et ses éditorialistes se focalisèrent sur les invectives et les mensonges contre Jean-Luc Mélenchon, les quolibets et les jugements déplacés sur les parties-prenantes de l’alliance constituée par la Gauche, les fake-news concernant le programme de la NUPES. Au point que même côté médias, leur peur finit par se voir. Et Bruno Lemaire, mis devant le fait accompli de la fébrilité du camp macroniste, s’agaça et se laissa aller à appeler Léa Salamé par son seul prénom d’une part, et de la qualifier de « commentatrice » d’autre part…

➡ Dans quel genre de pays un ministre se permet-il d’appeler un/e journaliste par son prénom ?

➡ Dans quel genre de pays la journaliste ne s’en offusque-t-elle pas ?

➡ Dans quel genre de pays un ministre assimile-t-il une journaliste à une commentatrice ?

➡ Dans quel genre de pays a-t-il raison de confondre « journaliste » et « commentateur » ?

Peut-être dans un pays où la plupart des médias privés appartiennent à des hommes d’affaires richissimes ?

Peut-être dans un pays où les dirigeants des médias publics sont nommés par la tête de l’État ?

Peut-être dans un pays où la police agresse et mutile habituellement les manifestants sur ordre politique ?

Peut-être dans un pays où le ministre de l’intérieur ou même le seul préfet de police n’est pas inquiété malgré la multiplication des violences et incompétences policières ? Même lors d’un évènement sportif international à l’encontre de spectateurs étrangers, évènement dont un président de la république s’était empressé d’aller spolier l’organisation aux dépends d’un pays à peine entré en guerre… Boomerang !

Peut-être dans un pays où des policiers tuent par balle des automobilistes ou leurs passagers pour de simples refus d’obtempérer ?

Peut-être dans un pays où l’on envoie 10 gendarmes dans son lycée à une jeune femme ayant questionné le président de la République, comme auraient dû le faire bien des journalistes, pendant ce qui devait être un rafraîchissant bain de foule ?

En France.

Au fait M. Macron : Pourquoi nommez-vous à la tête de l’État des hommes accusés de viol et de violences sur des femmes ?

« What happens to France[2] ? » Nous demandent nos voisins britanniques interloqués.

« Macron happens, my dear[3]… » Leur répondons-nous.

Le premier tour des élections législatives survient finalement dans ce silence médiatique les concernant, et dans l’absence de courage de débat sur le fond des programmes de la part de la majorité sortante suivant les injonctions du président nouvellement très mal réélu par défaut. Même des médias publics découragent le vote, annonçant « une abstention record attendue », le jour même du scrutin : « Oyez Oyez, n’allez pas voter, vous seriez bien les seuls, malheureux… »

L’abstention, ainsi encouragée par les diverses tactiques évoquées, monta à plus de la moitié des inscrits – auxquels il manque déjà une quantité non négligeable de non-inscrits, même tactique que pour le chômage : pour le faire baisser, faites disparaître les chômeurs… Malgré cela, la NUPES termina quand même en tête mais d’un cheveu, pas autant qu’elle aurait dû.

Qu’à cela ne tienne, le dispensable Gérald Darmanin, qui avait donc déjà tenté d’écarter la nuance NUPES, décida de lui retirer des voix pour faire apparaître au premier rang le regroupement macroniste : pour ce faire, il lui ôta l’Outre-Mer, plus quelques circonscriptions métropolitaines à sa guise. Pour la première fois, le site du ministère de l’intérieur affiche de faux résultats électoraux, attentant à la sincérité du scrutin. Ainsi les médias pourraient-ils à leur guise broder sur la victoire de la coalition présidentielle.

« What happens to France ? » Nous demandent nos voisins britanniques effarés.

« Macron happens, my dear… » Leur répondons-nous.

L’abstention avait contrarié le parti présidentiel au moment des élections européennes qui l’avaient vu arriver en second derrière le RN. On envisagea en Macronie (Montchalin/Schiappa) de se passer des électeurs. Cette fois, on ne s’en émeut guère. Et quoi qu’ils en disent, ne comptez pas sur eux pour faire voter les abstentionnistes, ils n’y ont aucun intérêt. Cela leur a sauvé la mise lors de ce premier tour et des présidentielles. Alors la proportionnelle ? Le vote obligatoire ? L’éducation aux sens critique et civique ? N’y comptez pas. Jamais avec eux.

Nous noterons au passage que l’élimination de tous les candidats de Reconquête dès le premier tour signe l’ineptie, côté medias, d’avoir consacré une année à promouvoir les thèmes réactionnaires éculés de Zemmour. Cela a certes bien aidé le reste de la droite à pourrir la gauche, mais à la fin le résultat populaire est cinglant : pssschiiittt !

Sus au second tour ceci dit.

Borne attaque dès le dimanche soir contre les extrêmes, les extrêmes, les extrêmes, les extrêmes, oui, elle l’a dit 4 fois en une seule petite allocution de poisson rouge lisant une récitation de niveau CE2, avec un entrain digne d’une annonce SNCF : désolé pour la gêne occasionnée… Et désolé Elisabeth, mais l’extrême, face à la Gauche, c’est toi : l’extrême-centre macronien. Et c’est aussi toi, logiquement, qui refuse de faire barrage à l’extrême droite.

Jean-Luc Mélenchon avait, lui, répété 4 fois de ne pas donner une voix aux RN. Il a ceci dit toujours été plus offensif et clair que les dissidents PS ou devenus LaRem, sans parler des transfuges de LR (« ni gauche, ni extrême droite »), concernant le RN.

Aussi, seuls 6 candidats renuisants isolés, que nous saluons néanmoins, appellent au front républicain pour la NUPES dans les 61 duels face au RN. Macron n’est en pas, « pas une voix ne (devant) manquer à la république » : la sienne de république, pas celle de la gauche. Ah, elles sont loin les valeurs communes ferrandiennes du second tour de la présidentielle. Il est lointain le barrage républicain macronien à l’extrême-droite… du mois dernier. Un barrage, mais à sens unique. C’est la nouvelle sécurité routière emmarchiste.

Voilà, les castors. A titre personnel, nous vous avions prévenus dès 2017 et encore récemment. Changez votre barrage d’épaule maintenant…

Va-t-on enfin parler programme, voire bilan, dans cet entre-deux tours ? Rêvez braves gens ! Borne refuse le débat proposé par Mélenchon. Localement, la plupart des candidats de la coalition présidentielle font de même. Débattre, chez eux, c’est parler seul. Rappelez-vous les monologues du « grand débat »… A deux, ils pourraient être démasqués. Que craignent-ils ? D’être pris pour ce qu’ils sont sans doute.

Comme nous l’écrivions dernièrement ici : « Le combat qu’ils entendent mener contre la NUPES ne se mènera pas sur le plan des idées car il est certainement perdu d’avance dans l’opinion (…). La méthode Macron ne s’attarde pas sur les idées ou les faits : elle consiste à trouver des stratagèmes, des leurres, des manipulations, des divisions, de la théâtralité, pour éteindre ses adversaires et espérer s’adjoindre des électeurs en les trompant. »

Macron fonctionne seulement par « coups ». Il ne construit pas. Il tente un second hold-up. Et, dédaigneux de notre élection, il s’en va à l’entre-deux tours se faire mousser au camping en Europe de l’est.

Et pour résumer nous en terminerons en citant ces tweets :

Transformer une élection en fraude généralisée constitue ainsi une facette seulement du mépris de l’extrême-centre, autoproclamé « cercle de la raison », pour la démocratie.

Ces élections forment une fraude parce qu’à peu près aucune des règles devant prévaloir dans une démocratie n’a été respectée par le pouvoir en place, au premier titre duquel le président de la république, normalement censé être garant des institutions qu’il foule bien au contraire aux pieds sans vergogne.

Selon Michael Ignatieff, « les dirigeants autoritaires qui prennent pour cibles l’État de droit, l’équilibre des pouvoirs, la liberté des médias privés et les droits des minorités s’attaquent aux piliers principaux des démocraties. »

Si l’on fait le compte, en dehors des minorités, l’emmarchisme en a donc déjà sapé trois.

NB : Contrairement aux autres chroniques (https://linversens.wordpress.com), ce texte n’est pas issu du roman « La Foule Haineuse Reconnaissante » présenté sur le site https://emmanuelbitz.com (résumés, extrait, téléchargement, vente).


[1] Expression venue d’Inde signifiant « médias à la solde du pouvoir ».

[2] Qu’arrive-t-il à la France ?

[3] Il lui arrive Macron, mon cher…

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